Performance au travail : Le patron de Louis est-il un éternel insatisfait?
En janvier dernier, Louis m’a fait parvenir un courriel m’interpellant beaucoup.
Bonjour Richard,
Lors de ton passage à notre association tu nous as donné une formation sur la psychologie de la vente qui, soit dit en passant, est de loin la meilleure que j’ai reçue depuis un bon nombre d’années. Différente et très approfondie. Bravo!
Dans un autre ordre d’idée, l’an dernier nous avons battu des records de vente, avec une rentabilité dans la cible. Lors de ma rencontre annuelle, mon vice-président m’a mentionné sa satisfaction, mais du coup, il m’a aussi dit qu’il voulait des résultats aussi probants, voire supérieurs, pour les années à venir. Sur le coup, je lui ai assuré mon support, mais une fois rendu dans mon bureau, je me suis mis à réfléchir sur la notion de « toujours en demander plus, pousser plus les représentants, exiger plus, etc. » Alors ma question est la suivante : la performance, mais à quel prix?
Performance au travail : une question d’ego?
Louis, sache que tu m’interpelles beaucoup avec cette question et je suis certain que de nombreux lecteurs se posent la même. Alors voici une réponse brève pour une question aussi profonde.
L’humain se rend compte tôt ou tard qu’il est pris « en otage », que cela n’est qu’illusion. Tant que l’être humain reste la proie de l’autorité de son propre ego, sa quête du bonheur le conduira inévitablement au désenchantement. Il connaîtra d’innombrables déboires et la lassitude. Il sera la proie de la performance à tout prix. Voilà! Je rencontre un grand nombre de personnes désabusées par les hauts et les bas émotionnels vécus au fil des ans et qui sont incapables d’en accepter davantage.
Dans ces circonstances, le travailleur augmente ses paramètres de sécurité, comme l’ont fait les différents pays à la suite de l’attaque des tours du World Trade Center. Les mesures de sécurité sont devenues des démesures visant la sécurité de tous. Ses paramètres deviennent « normaux, naturels » et nous nourrissons cet ego sécuritaire pour soi. Cependant, il nous amène son lot de bonheurs et de malheurs. Nous voilà embarqués pour un tour de vie en montagnes russes! Cela peut parfois durer toute une vie, jusqu’à ce que se produise une vision claire du leurre entretenu envers soi et les autres depuis si longtemps.
Performance au travail : en quête de sens et de reconnaissance
Une étude publiée en avril 2014 nous conduit sur des pistes bien différentes :
Knowing that you matter, matters! The Interplay of Meaning, Monetary Incentives, and Worker Recognition. Michael Kosfeld, Goethe University Frankfurt. Susanne Neckermann, Erasmus School of Economics, Erasmus University Rotterdam, ZEW, Tinbergen Institute. Xiaolan Yang, Zhejiang University Hangzhou.
Trois groupes ont été étudiés :
- Les personnes qui savent donner un sens profond à leur travail ont une meilleure performance que les autres; en moyenne 14 % supérieure.
- Les personnes qui se sont vu promettre une prime ont affiché une meilleure performance que ceux qui n’avaient qu’une rémunération fixe; 8 % plus élevée, en moyenne.
- Les personnes du dernier groupe, auxquelles avait été promis d’être reconnues symboliquement, ont affiché les meilleurs résultats de tous les participants. Leur performance a été supérieure de 19 % à celle de ceux qui n’avaient qu’une rémunération fixe.
Vous me direz que cela n’est qu’une étude. Vrai! Il y a cependant matière à réflexion. Ne croyez-vous pas?
Performance au travail : les clés de l’équilibre
Si nous souhaitons trouver notre équilibre dans la performance, il doit y avoir un lien entre sens profond accordé au travail, performance et rémunération incitative.
Dès lors que cette prise de conscience est faite et que nous nous apercevons que la poursuite de la performance extérieure à soi est peine perdue, nous avons encore le choix de fuir ou de réaliser que l’observateur et la chose observée ne sont en réalité qu’une seule et même entité. L’observateur sait être lui-même l’artisan de son bonheur ou la source de ses malheurs.
Au lieu de « voir » le monde à l’extérieur de lui, il réalise qu’il est le monde en lui-même. Nous cessons de courir, d’avoir des quêtes compulsives, des désirs éphémères, des requêtes sans fin et des insatisfactions permanentes. Nous finissons par avoir une vision très claire et lucide de notre bonheur tout en minimisant l’impact de notre ego.
Nous saisissons alors que le bonheur est dans l’instant et non dans la folie du temps, passé ou futur. Je ne suis pas ici à dire que nous ne devons pas faire de plans ou entretenir nos rêves. Non! Ils ont leur place, mais ils ne doivent pas nous dominer ou nous envahir. Sinon, retour à la case départ et nous vivrons à nouveau des insatisfactions.
Alors, Louis quel est ton sens profond, ta quête de sens au travail?
Bonne réflexion! Richard Roy